Peeper's ghost / NZ Portrait Gallery
Je prends un café au Caffe Astoria avec Rafaël Pont, conseiller culturel et scientifique de l'Ambassade de France en NZ, un moment agréable pour parler de la culture en NZ et de mon projet d'écriture.
Ensuite, comme le musée Wellington City & Sea est à deux pas de là, je retourne voir des sections que j'avais entraperçues lors de ma précédente visite. Il y a là notamment une oeuvre composée de deux piliers sculptés encadrant un panneau tissé: elle raconte les légendes liées à la rade de Wellington (Te Whanganui a Tara en maori).
Les piliers (poupou) représentent en haut à gauche Maui, héros, navigateur et pêcheur, et en bas à gauche, les monstres aquatiques (taniwha) Ngake et Whataitai. Le premier a créé l'entrée de la rade en cassant une barre rocheuse pour s'échapper du lac où ils vivaient, et le deuxième, y restant piégé, a trouvé la mort quand un puissant tremblement de terre l'a soulevé hors de l'eau.
Sur le pilier de droite apparaît Kupe, pêcheur et explorateur polynésien, qui dompte son adversaire, la grande pieuvre Te Wheke a Muturangi, qu'il chasse vers la NZ.
Le panneau central (tukutuku), tissé avec des plantes endémiques (pingao, kiekie, kakaho et toitoi) évoque la géographie de la rade: Matiu (Somes), Makaro (Ward) et Mokupuna, les trois îles de Te Whanganui a Tara, sont représentées par les trois triangles du milieu. D'autres triangles symbolisent les larmes de l'albatros, noires pour la tristesse, jaunes pour la récompense et blanches pour la joie. Au firmament, les cinq étoiles de la Croix du Sud.
Dans une salle enténébrée, au milieu de bouteilles, de vieilles cartes et de chandelles passe la figure d'une femme qui raconte la légende de Ngake et Whataitai. Elle allume une bougie, d'où monte un filet de fumée, se glisse derrière le sextant, s'asseoit sur un livre pour nous parler de la création de Wellington Harbour, tandis que des tourbillons d'eau se déchaînent derrière le hublot.
Après le mythe de la création de la rade, elle enchaîne sur une autre légende, celle où Maui obtient le feu de sa grand-mère, la déesse du Feu.
C'est vraiment bien fait, un mélange de théâtre, de film et d'animation, qui me rappelle le jeu vidéo d'aventure Myst des années 1990. J'essaie de voir comment cela marche, mais à part une trappe qui s'ouvre et se referme à la fin de la projection, aucun indice quant à la technique utilisée.
Je continue ma visite, en me concentrant sur les cadrans, objets fascinants indispensables aux instruments de navigation, aux machines de toutes sortes, aux horloges...
A la sortie, je demande à la jeune fille de l'accueil le nom de la technique utilisée pour la narration des légendes, et elle me répond: "Cela repose sur Peeper's Ghost, une illusion d'optique inventée à l'époque victorienne par M. Peeper. Cela a été beaucoup utilisé pour animer les maisons hantées." Je répète: "M. Peeper." pour être sûre de m'en souvenir, et elle acquiesce.
Il fait un temps radieux, aussi je décide de flâner sur Queen's Wharf. Sur l'eau, des kayakeurs et sur les hauteurs, on aperçoit l'antenne près de Mount Victoria Lookout, qui se situe au niveau du sommet pelé. Des avions amorcent leur descente vers l'aéroport, de l'autre côté de la colline.
Le quai compte des toilettes avant-gardistes qui relèguent les sanisettes parisiennes au rang d'amateurs.
D'ailleurs, obnubilée par l'art, j'entre sans hésitation dans la NZ Portrait Gallery. On voit aisément que c'est une galerie d'art, à cause des murs blancs, du vide immense entre les oeuvres, et du mobilier tendance et peu utilisé. Les toiles de Piera McArthur font l'objet de l'expo. Le trait a du caractère, et les couleurs sont pêchues.
Je remonte Bolton Street Memorial Park, passant devant la vue sur les vieilles maisons de Thorndon et arrive à la roseraie, où je mange le sandwich acheté au Subway, à l'ombre d'un arbre.
Des enfants de retour de l'école s'arrêtent pour boire à la fontaine. Le garçon a l'air si heureux avec sa glace que je ne peux que le prendre en photo.
Un crochet par Begonia House, dans la roseraie. Il y a là des orchidées et des nénuphars, en plus de bégonias géants.
Dehors, classique mais superbe, une rose Graham Thomas.
Au cottage, je me précipite sur Google pour en savoir davantage sur ce M. Peeper et ses effets spéciaux. Mais je n'obtiens que des résultats relatifs aux peep shows. Etrange, car la demoiselle m'avait parlé de maisons hantées, pas vraiment porno. C'est alors que je comprends qu'il ne s'agissait pas de "Peeper", mais de "Pepper" - prononcé à la néo-zélandaise. Du coup, tout s'éclaire: l'inventeur s'appelle John Henry Pepper, et sa technique, Pepper's Ghost, repose sur montage très astucieux comprenant une chambre cachée et un pan de verre habilement dissimulé.
Le soir, comme il fait beau, je ressors courir dans le jardin botanique.
Voilà donc une autre journée bien remplie, où les fantômes ont déambulé tranquillement parmi des esprits aquatiques.