Flamboyant Caillou
20/04 - Wellington / Auckland / Nouméa
Départ matinal de Wellington avec Air New Zealand, escale à Auckland.
Départ d'Auckland sous une pluie battante. Je jette un coup d'oeil aux Nouvelles Calédoniennes. A la page des événements Sortie, voilà que je tombe sur l'annonce de mes interventions à la Maison du Livre et à la librairie Calédo Livres, avec la couverture des Corbeaux de la Mi-automne. La classe.
Un déjeuner goûteux achève de me mettre de bonne humeur.
Les 3 heures de vol passent très vite. A la descente vers Nouméa, je mitraille les eaux turquoise où des récifs coralliens déroulent des festons d'écume, pendant que mon voisin, un jeune Calédonien blasé, s'engonce dans son siège et ferme les yeux. Avant l'atterrissage, nous survolons des terres rouges noyées d'eau.
Arrivée à 15h, contrôle sanitaire strict comme en NZ: les Calédoniens veulent aussi préserver leur environnement. A regret, j'abandonne le chocolate chip cookie de Air New Zealand que je n'avais pas eu le temps de manger.
A la sortie, Jean-Brice Peirano, directeur de la Maison du Livre m'accueille avec un collier de fleurs. Comme à Hawaii! C'est une attention qui me touche beaucoup et me laisse présager une belle semaine. Les fleurs de frangipanier, se mêlant au rose des bougainvillées, ont un parfum délicat et sucré.
Pendant le trajet entre l'aéroport de Tontouta et Nouméa (35 mn), Jean-Brice me parle de la NC, des auteurs, des futures rencontres. Il est le fils d'Arlette Peirano, dont j'ai lu la nouvelle Pensées hivernales loin de mon pays. Les paysages de montagne sont superbes. Comme il fait encore jour, Jean-Brice m'emmène voir différents points de vue, dont Ouen Toro, qui donnent un aperçu de la topographie de Nouméa. La lumière rasante creuse des ombres dans les reliefs et s'échappe en longs filaments de nuages aux ventres d'acier. Il fait lourd et chaud.
Jean-Brice me conduit au Hilton La Promenade, sur l'Anse Vata, sans doute l'une des plus belles plages de la ville. J'ai une chambre immense. Une grande terrasse permet de prendre l'air. C'est parfait.
Les affaires déposées, je descends prendre un verre avec Jean-Brice et Frédéric Ohlen, président de la Maison du Livre. Nous bavardons en sirotant des smoothies de L'Etrave. Jean-Brice et Frédéric reviennent du Salon du Livre de Paris et nous évoquons le succès remporté par Quintet, le roman de Frédéric, qui vient d'être publié chez Gallimard. Basé sur l'histoire de la famille de Frédéric, il donne à entendre 5 voix qui parlent de la NC des années 1860. J'espère pouvoir le lire un jour, mais à cause de son succès, il est en rupture de stock en NC.
Après ce premier contact chaleureux, je rentre à l'hôtel, car la journée commence à être longue. In extremis, j'arrive à dîner à La Terrasse, restaurant du Hilton, car les cuisines sont prêtes à fermer. Le thon mi-cuit sur un lit d'asperges, accompagné de sa purée d'aubergines, est moelleux à souhait.
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21/04 - Ile aux Canards
Après une bonne nuit, petit-déjeuner sur la terrasse du restaurant. En plus des ananas, pêches et kiwis, il y a du poulet au curry et du jambon, mais aussi du poé (potiron, je crois, avec du lait de coco - délicieux). En contrebas, une petite place plantée de pins colonnaires, emblématiques de la NC, fait pendant à la rangée de cocotiers qui bordent l'Anse Vata. Dès 8h, cyclistes et coureurs passent le long de la plage.
Je n'ai guère le temps de m'attarder car j'ai rendez-vous avec Antoine Pecquet, des Nouvelles Calédoniennes, pour une interview. C'est un journaliste très pro et très sympathique en plus, un vrai plaisir de discuter avec lui. Après l'entretien, il me demande ce que je compte faire dans l'après-midi car en ce lundi de Pâques, tout est fermé. J'avais prévu d'aller sur l'Ile aux Canards, juste en face de l'Anse Vata, pour faire du snorkeling, mais je n'étais pas sûre de savoir comment faire pour m'y rendre. Antoine Pecquet m'explique qu'il y a des taxi-boats partant presque devant l'hôtel et me prête généreusement un masque avec tuba et des sandales en plastique qui, par bonheur, se trouvaient dans le coffre de sa voiture. Quelle chance!
Me voilà donc parée pour une séance de snorkeling. Je prends donc un taxi-boat (1200 CFP, soit 10 euros, aller-retour). Il faut à peine 5 mn pour arriver sur l'île. Sur la plage, des sculptures parmi les chaises longues. L'endroit abrite une réserve naturelle avec un chemin balisé qui permet d'explorer les fonds marins.
Je dépose mes affaires à l'ombre et entre dans l'eau très claire. Elle est très bonne, ni trop chaude, ni trop froide. A peine met-on la tête sous l'eau qu'on voit une grande variété de poissons. Des gros, des petits, des jaunes, des bleus, des striés, des nervurés. Je ne connais pas les noms, mais c'est magique de pouvoir nager parmi eux. Certains s'approchent près du masque, d'autres passent en bandes. Certes, il n'y a pas autant de variété que sur la Grande Barrière de corail du côté de Cairns, mais les poissons sont bien plus impressionnants ici que dans les endroits à Hawaii censés abriter une belle collection. Les coraux vivants, en revanche, sont assez rares. On peut explorer une aire assez vaste et je me dis que c'est bien de savoir nager. Sans appareil photo, je peux admirer les poissons au lieu d'être tentée de prendre des clichés. Je me régale et bien qu'ayant décidé de me limiter à 30 mn au début, je ne sors qu'après une heure dans l'eau.
C'est l'occasion d'observer les prouesses des véliplanchistes dont certains parviennent à bien harnacher le vent.
Je retourne au snorkeling avec toujours autant de bonheur. Au final, j'aurai fait 3 heures de snorkeling et passé 4 heures sur l'île.
Au retour, je me promène sur le long de la plage pour profiter de la belle lumière de fin d'après-midi. Sur l'Anse Vata, des promeneurs et des joueurs de pétanque, un sport apparemment très apprécié ici.
Au bout du ponton, l'Ile aux Canards.
Dîner dans un petit restau près de la plage avec une crêpe fourrée glace vanille et crème de marrons en guise de dessert.
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22/04 - radio, auteurs calédoniens, Centre Culturel Tjibaou, Maison du Livre
Ce matin, Jean-Brice vient me chercher à l'hôtel pour une interview radio à Nouvelle-Calédonie 1.
Comme nous sommes en avance, Jean-Brice me propose un petit tour au marché, près de la Place des Cocotiers. Le marché prend réellement vie surtout le week-end, mais il y a des étals de poissons qui donnent faim et des vendeurs de taros et d'ignames, le tubercule emblématique des Kanak.
Je rencontre Liliane Tauru, aussi auteur jeunesse, pour l'interview puis nous nous rendons à un café à proximité, où je fais connaissance de Jean Van Mai, un romancier viêt né en NC, connu pour son livre Chân Dang qui retrace l'arrivée des Viêts au XIXe siècle pour travailler dans les mines de chrome. Je ne connaissais pas cette immigration, aussi est-ce très intéressant d'en apprendre les détails. Je connais Jean Van Mai de nom, car Tess Do, professeur de français à l'Université de Melbourne, et Jean Anderson m'ont parlé de ses livres. Nous parlons de son parcours et de la vie des Viêts en NC, un moment de partage fort agréable, d'autant que Jean me dédicace deux de ses livres, J'aimais trop l'argent et Centenaire de la présence vietnamienne en NC 1891 - 1991.
Après le jus de fruit, nous nous dirigeons vers le restaurant L'Edzen où nous attendent des membres de l'Association des Ecrivains de NC. C'est ainsi que je retrouve Frédéric Ohlen et rencontre Nicolas Kurtovitch, résident du Randell Cottage en 2007, Roland Rossero, Samir Bouhadjadj, Jean- Marie Creugnet et sa femme et Hamid Mokaddem. Claudine Jacques passe mais ne peut rester, et m'offre un petit pendentif en souvenir de la NC. Les auteurs m'offrent aussi leurs livres: Fils du Ciel (FO), Les Chemins de la déportation (NK), Celle qui parle sans arrêt dans son jardin (RR), Le lézard Jurufi et autres légendes du pays CiRi (Jerry Delathière), Apollinaire Anova, Une conception kanak du monde et de l'histoire (1929-1966), Papiers... svp (HM). Quel bonheur!
Frédéric me conseille un poisson local, assez rare, le pouatte. Grillé et pas sec, il est accompagné de rondelles d'ignames. C'est en effet délicieux. Un café gourmand pour terminer en beauté cette rencontre avec mes confrères de NC.
Le repas est fini, mais pas la journée. En route vers le Centre Culturel Tjibaou, nommé en l'honneur de Jean-Marie Tjibaou. Le centre est un bijou architectural parfaitement intégré dans le paysage végétal. Conçues par l'architecte Renzo Piano, les dix structures en acier et bois d'iroko rappellent la structure des cases kanak pas complètement achevées. Ce qui frappe d'emblée quand on pénètre dans les lieux, c'est le vent qui rafraîchit l'atmosphère: des panneaux contrôlés électroniquement gèrent le flux d'air, maintenant ainsi une température agréable.
Jean-Brice et moi avons le privilège d'avoir pour guide Guillaume Soulard, Directeur artistique et culturel de l'ADCK (Agence de Développement de la Culture Kanak). J'avais rencontré Guillaume à Wellington en mars, lors d'un déjeuner chez Rafaël Pont, Conseiller culturel et scientifique de l'Ambassade de France en NZ. Aussi nous fait-il l'honneur d'une visite guidée de l'expo Kanak, L'Art est une Parole. Cette expo, présentée au Musée du Quai Branly fin 2013, a connu un beau succès. Ici, dans le Centre Culturel Tjibaou, elle prend tout son sens.
Guillaume nous fait visiter la première salle, où des appliques de portes se dressent comme des troncs d'arbres sculptés de visages. Ces impressionnantes sculptures, réalisées avec le bois d'arbres déjà morts, encadraient la porte d'entrée de la case.
Vient ensuite une salle déclinant l'iconographie liée à Jean-Marie Tjibaou.
Des vitrines contenant des monnaies de coquillage qui servaient aux échanges montrent toute l'adresse déployée pour la confection des têtes de monnaie. Fabriquées à partir de poils de roussette (chauve-souris), d'os de lézard, de fibre de coco, de nacre, elles révèlent un savoir-faire proche de l'orfèvrerie.
D'autres salles montrent des coiffes, des haches ostensoirs et des flèches faîtères ornant le toit des cases.
Des masques géants, visages au rictus inquiétant, surmontés d'une masse impressionnante de cheveux et habillés de plumes, ricanent dans leur écrin de verre.
Dehors, plusieurs cases se dressent dans un parc à côté de la mer. Le mât central sculpté se prolonge avec la flèche faîtière.
Une petite interview radio, assise par terre dans une de ces cases, avant de clore la visite.
Sur une colline, la statue de Jean-Marie Tjibaou domine avec sérénité le complexe en contre-bas, dont la structure effilochée se mêle aux branches des pins colonnaires.
Le soir tombe sur Nouméa quand nous rentournons en ville. La rencontre de ce soir a lieu à la Maison du Livre: la maison Célières, léguée par la famille de Frédéric Ohlen, est une superbe bâtisse coloniale entourée d'un jardin d'ornement. Il fait déjà sombre, et je n'ai malheureusement que peu de temps pour admirer la structure symétrique aux vérandas aérées et aux parquets brillants. En arrivant, je reçois deux gros avocats de l'île de Maré. Ils ne sont pas encore mûrs, mais je les garde précieusement pour y goûter plus tard.
La rencontre est animée par Pierre Faessel qui connaît parfaitement les enquêtes du mandarin Tân. Son enthousiasme communicatif donne de suite une tournure conviviale à la conversation et je passe une très agréable soirée avec un public qui pose beaucoup de questions. Joël Paul, venu m'écouter, a parlé de ce moment de partage ici. Le monde est étonnamment petit, car la femme de Pierre Faessel connaît Chaux-des-Crotenay, situé à une dizaine de kilomètres de Crotenay, le village où ma famille a passé un an en arrivant en France en 1971.
(photo de Joël Paul)
Après la rencontre, dîner avec Frédéric Ohlen. Nous allons dans un restaurant de poissons: en entrée une énorme portion de thon cru, une merveille. Puis du mahi-mahi ou dorade coryphène, accompagnée de purée, suivie d'une glace à la vanille, avec tiramisu et sirop de rose. Les papilles en soupirent d'aise. Frédéric me parle de son enfance voyageuse avec un père extraordinaire, et je découvre quelqu'un de très érudit et perceptif.
Voilà donc une deuxième journée riche en découvertes et en émotions.
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23/04 - Parc forestier, Aquarium du Lagon, Calédo Livres
Après la journée trépidante de la veille, un mercredi plus calme. Taxi pour le Parc zoologique et forestier Michel Corbasson dont le chauffeur ne connaît pas le nom. "On l'appelle simplement Parc forestier." Et d'ailleurs, après un assez long trajet, car le parc se trouve sur les hauteurs de Nouméa, on pénètre dans un lieu où n'apparaît nulle part le nom de Michel Corbasson. Mais c'est bien là! L'entrée ne coûte que 400 CFP, soit environ 4 euros.
N'ayant que quelques heures de libres, je me précipite vers le coin des animaux endémiques de NC. Il y a pas mal d'oiseaux, mais ils sont dissimulés dans l'ombre de leurs volières et donc difficiles à observer ou à photographier. Un cagou indifférent, emblématique de NC, se laisse prendre en photo.
Accrochées à l'envers aux mailles d'un filet, des roussettes roupillent. Ces chauves-souris dont les poils roux finissent dans les têtes de monnaies vues au Centre Culturel Tjibaou, font presque 40 cm. Leur corps dodu est aussi prisé par les amateurs de bougna, plat mélanésien ainsi décrit dans Wikipédia: "Dans le bougna traditionnel, les ingrédients sont enveloppés dans des feuilles de bananier et cuits à l'étouffée dans un four à pierres chaudes. C'est une sorte de ragoût de poulet, de collier blanc (pigeon arboricole), de poisson ou de roussette accompagné de taros, de patates douces, de bananes poingo, de tomates et d'ignames le tout arrosé de lait de coco."
En attendant, elles se balancent doucement, enveloppées dans leurs grandes ailes dont la texture rappelle celle du costume de Batman.
Elles s'étirent parfois pour se gratter vigoureusement à cause des puces, et font aussi des contorsions acrobatiques pour se lécher le zizi, ainsi que le montre cette photo incriminante.
Cette petite mise en bouche ne constitue pas un comportement isolé, car j'ai pu voir une vidéo (scientifique, pas porno) d'un accouplement de chauves-souris où la femelle se léchait pareillement pendant l'acte sexuel.
Après ce plaisant intermède, je fonce vers le vivarium, où il y a quelques cages vides, hélas. Cependant, plusieurs spécimens superbes, bien que non endémiques, comme cet agame aquatique.
Des iguanes verts d'Amérique du Sud se déploient dans toute leur splendeur.
Au retour, des loriquets calédoniens merveilleusement colorés.
Je prends un taxi pour revenir en ville. Le chauffeur bavard est un fan de pêche et me détaille différentes façons de préparer le poisson. Cela tombe bien car je me rends à l'Aquarium du Lagon, à deux pas du Hilton. C'est un endroit merveilleux, qui permet d'admirer et de photographier la faune et la flore sous-marine. Il y a relativement peu de monde en début d'après-midi.
Ainsi, des ambaches brisés.
Des coraux fluorescents ou non.
Des oursins et des poissons-couteaux.
Le poisson-pierre, le poisson le plus venimeux au monde, et des rascasses volantes d'une grâce inouïe.
Dans un immense aquarium passent des requins et une nuée de poissons colorés.
Il y a aussi des coquillages exquis et des créatures de science-fiction.
J'y passe plusieurs heures avant de rentrer à l'hôtel pour me préparer pour la présentation du soir. (D'autres photos de l'Aquarium dans l'album nouvelle-calédonie.) Dehors, il fait bon et je m'achète une glace au caramel beurre salé et au café.
Ce soir, c'est causerie à la librairie Calédo-Livres, tenue par Dominique Buzance. Rencontre sympathique avec un public intéressé. J'apprends que Virginie Soula, de la Maison du Livre, qui a lu toutes les enquêtes du mandarin Tân, a fait sa thèse à Paris-XIII et connaît donc mon amie Anne Larue. Surprenant!
Séance dédicaces.
Puis une photo pour dire que ce soir, nous étions là,
Ensuite, dîner avec Frédéric et Jean-Brice, dans un restaurant animé. Frédéric se laisse tenter par des travers de porc, un petit clin d'oeil aux Travers du docteur Porc, tandis que Jean-Brice et moi succombons au duo de poissons: saint-pierre et thazard, accompagnés d'une purée avec broccoli. C'est vraiment excellent. Du coup, me fait remarquer Frédéric, j'ai goûté à cinq types de poisson depuis mon arrivée: pouatte, thon jaune, mahi-mahi, saint-pierre et thazard - belle variété.
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24/04 - Lycée agricole de Poumbout, Médiathèque de Koné
Lever aux aurores. Je quitte l'immense chambre du Hilton après 4 nuits très plaisantes. Jean-Brice est au volant de la voiture de location. Direction le Nord.
Nous reprenons la route vers l'aéroport Tontouta, que nous dépassons. A La Foa, nous nous arrêtons au bar de l'hôtel Le Banu pour prendre un café. L'endroit est spectaculaire: le plafond est tapissé d'une myriade de casquettes, comme dans un marché en Asie.
Requinqués, nous reprenons la route et traversons des paysages verdoyants de montagnes.
A Bourail, une file de voitures et des gendarmes: nous dépassons le Cimetière Militaire Néo-Zélandais où se déroulent la cérémonie de commémoration pour le 99e anniversaire du débarquement des troupes NZ et australiennes à Gallipoli (Turquie) et pour la présence des NZ et des Australiens en NC pendant la 2e Guerre Mondiale. Demain, le 25 avril, c'est ANZAC Day.
A Poya, une église au milieu de palmiers et de pins colonnaires.
Un bel arbre, le bois noir (Albizia lebbeck), surplombant gracieusement la voie, signale l'entrée de Pouembout.
La route ne permettant pas de rouler à vive allure, nous arrivons un peu en retard au Lycée agricole de Pouembout, où nous attendent des élèves de 2nde aux visages souriants. Les bibliothécaires du CDI et leur professeur de français Vincent Vuibert les ont préparés pour la rencontre. Aussi se montrent-ils attentifs et intéressés. La lecture d'un extrait olé-olé des Travers du docteur Porc (L'ébéniste Tuc consultant le docteur Porc), avalisé au préalable par le corps enseignant, instaure une atmosphère détendue, et les questions fusent. Les élèves sont intrigués par l'écriture à quatre mains, par le temps nécessaire à écrire un livre, par la résidence au Randell Cottage. Je passe un moment très agréable en leur compagnie. C'est toujours rafraîchissant de rencontrer des adolescents pleins de curiosité.
Après la rencontre, déjeuner à la cantine avec Céline, Mme Davée et Vincent Vuibert. Vincent a publié un livre, Chronique de la Mauvaise Herbe, qui a remporté le prix Michel Lagneau 2013. Nous voilà donc confrères.
Nous quittons le lycée planté de palmiers et nous rendons à Koné, une ville à proximité, et déposons nos affaires à l'hôtel Hibiscus, établissement à la déco très zen.
A la médiathèque, nous rencontrons Béné de Bookin Distribution et Christine de la Maison du Livre. Elles sont parties deux jours plus tôt de Nouméa avec le camion Lire un Pays, une librairie ambulante très appréciée dans la brousse.
Je rencontre la sympathique équipe de Morgane Goromoedo qui nous propose un thé. Dans le foyer de la médiathèque, de grands tableaux pour la Semaine du Livre, réalisés par les enfants avec du papier japonais.
Je rencontre Bernard Berger dont les albums La Brousse en Folie font un tabac en NC.
Vers 17h, nous retrouvons Liliane Tauru, journaliste qui m'avait interviewée à la radio, également auteur de livres de jeunesse, ainsi que Vincent Vuibert, prof de français au lycée agricole de Pouembout, pour aller boire du kava. C'est une plante apparentée au poivre (Piper methysticum), aux vertus apaisantes. Je veux y goûter! Vincent nous emmène dans un nakamal au bout d'une piste bordée de bois noirs, une bâtisse couverte de tôle et entourée de pick-ups. Avec les montagnes environnantes, on se croirait au Far West.
La racine broyée et filtrée donne un liquide brûnatre qu'on avale cul sec. On recrache le résidu dans la bouche pour se débarrasser de l'amertume, puis on se rince la bouche avec de l'eau. C'est amer, certes, mais pas autant que les concombres amers de l'Asie. C'est vrai qu'on se sent bien après.
Nous nous asseyons derrière le nakamal, près d'un terrain de pétanque où une fillette s'amuse toute seule. L'air est doux et la lumière du soir tamisée.
Il y a une conférence sur les Myrtacées, donnée par Bernard Suprin, un botaniste réputé qui part sur le terrain pour répertorier les espèces présentes en NC. Il communique facilement sa passion au public, et on voit qu'il est sensible à la beauté des plantes. C'est en plus un homme charmant.
Après la conférence, Jean-Brice et moi retournons à l'hôtel pour dîner. Le chef d'Hibiscus étant connu pour ses créations, nous nous lâchons et prenons le Menu Touristique. Donc: en entrée, aumônière de crabe; suivi d'un carry d'agneau au safran sauvage; et en dessert, le Renaissance (mousse chocolat de Tanzanie, praliné noisette, crémeux vanille, macaron chocolat). Un régal!
A la caisse, nous croisons Bernard Berger qui a aussi dîné là ce soir et bavardons un moment.
Je rentre me coucher dans ma chambre qui donne sur le jardin zen et admire les carpes dans l'eau violette.
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25/04 - Koné / Poindimié, Médiathèque du Nord
Vers 8h, nous quittons Koné avec le camion Lire un Pays, car Christine est rentrée avec la voiture de location la veille. Jean-Brice prend le volant, Béné se met au milieu et moi, je suis à côté de la fenêtre pour prendre des photos: la route transversale Koné - Tiwaka est réputée pour sa beauté. Sur le chemin, nous croisons un cheval qui a l'air très heureux de nous voir.
On voit quelques huttes non loin de la route, mais des chemins s'enfoncent dans les montagnes, où sont installées des tribus. Des panneaux indiquent leur nom, et parfois des filets de fumée s'élèvent au-dessus des cimes.
Le paysage est vraiment beau, avec des montagnes couvertes d'une végétation luxuriante. La route est bordée de cocotiers, les cours d'eau de bosquets de bambous. Nous traversons fréquemment des cours d'eau.
Souvent les arrêts de bus sont couverts de dessins très colorés. Des étals sans vendeurs, proposant bananes, citrons... contiennent des bols où on laisse l'argent pour payer.
Arrivés à Poindimié, nous voyons la mer. Béné et Jean-Brice installent le camion à l'entrée de la Médiathèque du Nord. Des élèves viennent de rentrer pour emprunter des livres. J'en profite pour explorer les lieux. Une expo intitulée Erotik Kanak montre des dessins gravés sur des bambous traditionnels. Pas des scènes agraires, mais des scènes bien charnelles, aux configurations inventives. D'ailleurs, des feuilles blanches les masquent de la vue des plus jeunes. Ceux qui montrent intrigués sont rappelés à l'ordre par leur maîtresse et doivent se contenter de livres sur les dinosaures.
Nous sommes accueillis par Simei Paala, directrice de la médiathèque, et Nicole Grochain. Immédiatement, je m'entends très bien avec elles: elles m'expliquent la façon de faire le bougna, avec la cuisson dans un four à pierres chaudes. Nous parlons de cuisine et j'apprends qu'ils utilisent souvent de la sauce de soja ainsi que le Maggi, comme au Viêt-Nam. Nous dévorons des oranges très sucrées tout en bavardant,
Nicole me fait visiter la médiathèque et je découvre un dessin d'Erotik Kanak que j'avais raté. Apparemment, c'est le plus scabreux, car il est non seulement pudiquement voilé de papier, mais aussi isolé dans une petite tente à part. Je suis déçue: c'est marrant, mais il n'y a pas de quoi fouetter un chat.
Comme midi approche, il faut aller chercher de quoi manger. J'accompagne Simei et Nicole qui me montrent aussi le village. Nous allons chez Mathilde, qui fait la cuisine pour le gîte où loge Paul Wamo, un jeune slameur talentueux, qui fera un spectacle à la médiathèque ce soir.
Ensuite, nous descendons vers la plage où est installée la roulotte de Christiane. Nous prenons des portions de porc au sucre et poulet rougaï pour la bande. C'est très bon et cela nous cale pour l'après-midi.
L'après-midi, Simei et Nicole m'emmènt à un point de vue où on peut embrasser du regard la baie. Comme le ciel est nuageux, la mer est grise, mais c'est tout de même très beau. Je ramasse quelques cailloux en souvenir de Poindimié.
Le soir, nous assistons au spectacle EkoooO de Paul Wamo. C'est un slameur qui fait usage de tout son corps, de sa voix pour déclamer son texte, une performance très physique, qui remporte un franc succès.
Après le spectacle, Simei me présente au public en tant que résidente du Randell Cottage. Deux femmes m'abordent et me demandent si je suis allée à Christchurch, car elles viennent de là et sont en NC avec leurs élèves. L'une d'elles avait voulu venir à ma présentation à la Public Library, mais n'avait pas pu. Et voilà que nous nous croisons à Poindimié!
Simei nous conduit, Jean-Brice, Béné et moi, à notre gîte qui se trouve assez loin de la route. Il fait déjà nuit. J'ai un bungalow avec douches et toilettes à l'extérieur, très confortable et aéré.
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26/04 - Poindimié / Nouméa
Ce matin, je découvre le bungalow où je viens de passer une excellente nuit. Bel endroit!
Simei vient nous conduire à la médiathèque où nous prenons le petit-déjeuner. Il y a du gâteau marbré et des merveilles, sorte de petits beignets. Jean-Brice et Béné installent les livres devant le camion. Comme je n'ai rien de spécial à faire, je vais voir le petit marché à proximité.
Puis j'entre dans la Boucherie Les Jumeaux, car Simei et Nicole m'ont dit que les frères bouchers sont descendants de Japonais. En effet, il y a eu aussi une vague d'immigration japonaise, comme celle des Viêts. En effet, ils portent le nom de Watanabe. J'échange quelques mots avec Erik qui me raconte qu'une de ses tantes garde des liens avec la famille au Japon. Je trouve qu'il a des traits japonais, même s'ils ne sont pas prononcés. Pendant que nous bavardons, un client entre. Nous nous serrons la main. C'est aussi un descendant de Japonais et il me rappelle mon père. Immersion éclair dans un monde japonais très lointain. Je sors de la boucherie ravie.
Pendant ce temps, l'atelier de confection de papier recyclé bat son plein à la médiathèque. Les enfants ont créé leur papier coloré et découpent des motifs de fleurs qu'ils y colleront pour faire un tableau. Sonia et sa soeur, les filles de Simei, sélectionnent le bout de tissu qu'elles préfèrent.
Peu après midi, nous levons le camp et quittons nos amies de la Médiathèque du Nord. Une dernière photo pour immortaliser notre rencontre et c'est le retour vers Nouméa. Cette dernière étape restera un moment fort, pour l'ambiance décontractée et la chaleur des échanges.
N'ayant pas trouvé de roulotte vendant des barquettes de riz à la sortie de Poindimié, nous roulons longtemps sur une route superbe longeant la mer, avant de trouver un magasin ouvert pour faire les provisions. Il était temps car nous avons l'estomac dans les talons.
Pique-nique au bord de la route, dans une petite aire au-dessus d'une rivière. Nous dégustons l'avocat de Maré que m'avait offert Frédéric Ohlen à la Maison du Livre. Il est délicieux, crémeux à souhait. J'apprends par hasard que Béné est de Besançon, soit 40 km de Gray, où j'ai grandi. Décidément, ma route australe aura croisé celle de plusieurs Bisontines. Mon amie France Grenaudier-Klijn, prof à Massey University, elle aussi, vient de Besançon.Grande
La route suit la splendide rivière Houaïlou avant d'arriver à la jonction avec la route territoriale RT1 que nous avions empruntée pour aller à Pouembout 2 jours plus tôt.
Arrivée à Nouméa à la tombée de la nuit. Il faut se séparer. Le camion rentre au dépôt. Le mari de Béné et sa petite fille viennent la récupérer et me ramènent au Hilton. Jean-Brice repart en scooter chez lui, après m'avoir offert un collier de coquillages en guise d'au-revoir. Je ressens de la tristesse car l'aventure était belle.
Je dîne au restaurant de l'hôtel. Des crevettes et une crème brûlée pour finir en beauté ce séjour.
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27/04 - Nouméa / Auckland / Wellington
Navette pour l'aéroport à 3h40 du matin. C'est hard.
La dame au comptoir d'Air Calin me demande quand je vais rentrer à Nouméa. Je réponds qu'hélas je quitte la NC. Je réussis à avoir une place près du hublot pour admirer les eaux turquoises de la NC une dernière fois.
L'avion est plus grand et plus rapide qu'à l'aller, de sorte que le trajet ne dure que 2 heures.
L'arrivée à Auckland n'est pas mal non plus.
L'officier à l'immigration NZ regarde mon passeport et me dit: "Welcome back." Cela me fait quelque chose. I'm back.
Escale de 3 heures à Auckland, puis départ vers 15h avec un ciel dégagé.
Une heure plus tard, nous approchons de Wellington. Les nuages se massent sur les collines hérissées d'éoliennes.
Nous atterrissons dans la ville de mon coeur, où il fait gris. Je prends le bus 91 de l'aéroport et descends à l'arrêt avant Bowen Street. Le vent s'est levé, mais il est dans mon dos et me pousse en haut de la côte. Tinakori Road, puis Saint Mary Street.
Randell Cottage. I'm home.